Présentation de Fadila Semaï

    Vingt ans après l’assassinat des sept moines cisterciens de Tibhirine, un épisode de la vie de leur prieur restait encore mystérieux : on savait qu’au temps de la guerre d’Algérie, Christian de Chergé, alors officier, avait noué une forte amitié avec un certain Mohamed, qui l’aurait un jour sauvé d’un guet-apens des « rebelles », et l’aurait ensuite payé de sa vie. Mais qui était ce Mohamed, et en quoi ces événements avaient-ils influé sur le destin de Christian de Chergé ?

Fadila Semai - 28 avril 2018 - Rencontres buissonnières - Cîteaux

Fadila SEMAI

    Fadila Semaï, ancienne journaliste de la presse écrite et audiovisuelle qui se consacre désormais à l’écriture, a été profondément touchée par cette rencontre improbable entre deux hommes que tout oppose apparemment. Obstinément, avec un grand souci de vérité, elle a voulu découvrir le sens profond de cette amitié.
Lorsqu’elle arrive au printemps 2013 au monastère Notre-Dame de l’Atlas, elle ne possède que quelques éléments épars. Elle va alors s’attacher à retrouver les traces humaines de cette rencontre entre le prieur et son «ami parti devant». Elle va percevoir pourquoi cette amitié fut si décisive dans la vie de Christian de Chergé, qui portera ensuite et durant toute son existence la spiritualité du dialogue à son plus haut degré.
Dès lors, pour l’auteur comme pour le lecteur, cette enquête passionnante devient aussi une quête, qui nous conduit bien au-delà du « sacrifice » des moines, vers une expérience d’amitié universelle.

Présentation de Pierre Adrian

Notre premier invité du 28 avril 2018

Pierre Adrian est un très jeune auteur de 26 ans, né en 1991. Il a fait des études d’histoire et de journalisme. Amateur de football et de cyclisme, il est chroniqueur à l’Equipe.
Son premier livre, La Piste Pasolini, a été récompensé en 2016 par le prix des Deux-Magots et le prix François Mauriac de l’Académie française.
Pour son deuxième livre, Des âmes simples, il a reçu en 2017 le prix Roger Nimier, qu’avaient obtenu dans le passé des écrivains comme Patrick Modiano, Cioran, Erik Orsenna, Jean-Paul Kauffmann, Marc Dugain.
Bruno Corty, rédacteur en chef du Figaro littéraire, a dit de Pierre Adrian : « Retenez bien ce nom. Il n’a pas fini de nous surprendre. »

Présentation de ses deux livres

La Piste Pasolini (Editions Equateurs)

La piste Pasolini - Rencontres buissonnières - 28 avril 2018    Se sentant proche intellectuellement de Pier Paolo Pasolini dont il admire surtout la poésie et le définissant comme son parrain en littérature, Pierre Adrian est parti à 22 ans sur ses traces, à la rencontre des lieux où il a vécu et des derniers témoins de sa vie. Ce qui le fascine dans le sulfureux cinéaste, c’est, par-delà sa personnalité scandaleuse, son côté torturé, son amour désespéré pour la vie et son obsessionnelle quête de Dieu. Il trouve bouleversante sa recherche de transcendance et se reconnaît dans ses angoisses. Ce road trip passionné qui ressemble à un pèlerinage initiatique le conduit de la plage d’Ostie, où celui qu’il considère comme son maître est mort assassiné, jusqu’à Rome et Chia, ultime étape de son périple où « prend fin un des désirs les plus déterminants de (ses) vingt ans. Celui de toucher Pasolini au plus près ». En le suivant dans ce périple, le lecteur assiste à la naissance d’un écrivain, étonné de tant de maturité, de profondeur et de décalage par rapport à l’idée qu’il se fait de la jeune génération.

Des âmes simples (Editions Equateurs)

Des âmes simples - Pierre Adrian - Rencontres buissonnières    Quatrième de couverture : « Ce qui repousse les caméras m’attire. Ceux qui trébuchent, ceux qu’on ne voit pas. J’aime le fond de la classe. Le saccage et le sursaut, la poudrière, le foutoir, la beauté, les rêveurs : tout est au fond, chez les invisibles. Au fond des vallées. Cette leçon, je l’apprendrai aux côtés de frère Pierre. En citant saint Paul, il me dira que la véritable sagesse n’est pas celle du monde : « Si quelqu’un pense être sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour être sage. »
Au cœur d’une vallée, aux confins de la France, un homme tient là seul par sa foi. Au plus près des vies minuscules-les bergers et les bêtes, les paumés et les vagabonds célestes-, il accueille les histoires murmurées, les hommes en perdition. Les croyants et ceux qui ne croient pas. Parce qu’ « on ne peut plus faire comme si les gens avaient la foi ». Pour lui, cela importe peu. Jour et nuit, son portable sonne. Il accourt.
D’une plume taillée à la serpe, Pierre Adrian nous offre un récit éblouissant, à l’écoute des ténèbres et de la désespérance d’une époque.

Quelques mots sur Anne Le Maître et Roland Machet

Anne Le Maître - Rencontres buissonnières 2018Les fidèles de nos Rencontres buissonnières connaissent bien Anne Le Maître qui est intervenue à Cîteaux en mai 2014 (Au commencement était l’enfance) et en mai 2016 (Chemins vers la beauté). En automne 2013, dans le cadre d’une autre association, elle y avait exposé plusieurs de ses œuvres tout un week-end.
Aquarelle Saint-Pere - Anne le Maitre - Rencontres buissonnieresCe qu’elle aime dans la vie : marcher, vagabonder, voyager, contempler, se mettre à l’écoute de la sagesse de l’herbe et partager avec son entourage sa passion de l’art et de la littérature. Ses aquarelles sont empreintes d’une poésie délicate, ainsi que ses écrits et son site Internet que nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir : Bleu de Prusse


Rolland Machet - Rencontres buissonnieresRoland Machet connaît bien Cîteaux où, dans le cadre de la communauté Vie chrétienne, il a participé en 2016 à un week-end de l’atelier art, chaque participant apportant une œuvre ou un texte qu’il explique et que commentent les autres participants.
Sculpture oiseau - Roland Machet - Rencontres buissonnieresCette année, il a accepté d’être l’invité de Rencontres buissonnières et nous en sommes heureux car le style dépouillé de ses sculptures, essentiellement à base de bois et de pierre, s’accorde parfaitement avec la simplicité cistercienne. A ses créations tout en mouvements et courbes, on a envie d’appliquer cette phrase d’Eugène Guillevic : « Chaque nœud du bois est plein de chants d’oiseaux. »
Vous pouvez consulter son site : http://roland-machet.fr/

Fadila Semaï – « L’ami parti devant » (extraits)

Fadila Semai - L'ami parti devant - Rencontres buissonnieres - avril 2018Editions Albin Michel

    29 avril 2013, 5h30 du matin, je suis en Algérie depuis deux jours, je n’y étais pas revenue depuis plus de quatre décennies.
Ce voyage, cette enquête, cette quête, a mûri dans la solitude, dans le silence qui protège de ce qui peut vous dérouter. Le fil de ma vie m’a propulsée vers une nécessité vitale, aller à la rencontre d’une histoire : celle de deux hommes, Christian de Chergé et son ami Mohamed, et d’un lieu : le monastère Notre-Dame de l’Atlas, à Tibhirine.
A l’aube de ce jour qui me plonge dans l’inconnu, découvrir cette terre ancestrale où religion et violence humaine se sont douloureusement mêlées emplit mon cœur d’une émotion étrange.
……
Derrière nous, nous laissons Alger la blanche. Plus nous montons vers l’Atlas, plus la température baisse. Il fait froid, humide. Je médite sur le fait que pour vivre au contact de cette nature sans concessions, sans confort, il faut un charisme physique et mental. Autour de nous la nature est souveraine, fatalement : depuis des générations, elle façonne le tempérament de ceux qui vivent dans sa proximité.
Encore quelques lacets montagneux, et nous arrivons devant un imposant portail de fer. Un petit coup de klaxon prévient l’un des deux associés agricoles qui travaillent avec la communauté depuis fort longtemps et voilà qu’une main virile se glisse, ouvre la porte à deux battants.

     C’est la première fois que je pénètre dans ce lieu, un silence abyssal me rassemble. Malgré les peurs, les doutes, les projections les plus inquiétantes mais aussi les plus essentielles : je suis là. Sur ce sol algérien qui porte la mémoire de mes ancêtres, dans ce monastère de Tibhirine si singulier parce qu’il a abrité en son sein des hommes que tout pouvait séparer. Je suis là et mes pieds foulent la poussière rouge d’une terre, d’un espace sacré.
La première fois que ma vie a croisé le chemin de Tibhirine, c’était en 1996. Jeune journaliste, je travaillais dans une agence de presse prestigieuse, qui fournissait en reportages une grande chaîne de télévision tout aussi prestigieuse. Comme chacun, je découvris en mars l’existence, l’enlèvement puis l’assassinat des moines deux mois plus tard. Sans comprendre pourquoi, je fus plus que de raison appelée par ce fait divers. Je résistais parce que j’ai toujours fait très attention à ne pas me laisser enfermer dans les sujets « ethniques ». Ceux qui touchent les beurs, les immigrés, les banlieues, l’Algérie. Je connais le goût et l’ignorance de ceux qui aiment murer la vie des autres. Je résiste et on me respecte.
Un an plus tard, en août 1997, à l’occasion d’un voyage personnel au Maroc, j’ai décidé de me rendre à Fès pour rencontrer les deux survivants de Tibhirine : le père Amédée et le père Jean-Pierre. A la suite du drame, ils ont rejoint la communauté cistercienne à laquelle ils appartiennent, auprès d’autres moines.
…………
Treize ans plus tard, en 2010, j’assiste à Paris à la projection du film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux. C’est la première fois qu’on s’empare de la mort des moines, autrement que sur un plan politique, et pourtant je ressens un malaise, un manque.
Je commence à formuler les contours de ce manque à l’occasion d’un débat autour d’un documentaire. Celui de Emmanuel Audrain, projeté au cinéma Le Médicis, à Paris. Ce film est antérieur à la fiction, il retrace l’histoire du testament spirituel de Christian de Chergé. A la fin du visionnage, c’est plus fort que moi, je me lève. Je prends la parole devant un public composé essentiellement de croyants chrétiens, dont certains encensent le film en insistant sur le sacrifice de moines chrétiens, pour des musulmans. Emue et agacée, j’explique que je suis française, née en France dans une famille de musulmans. En marge de toute religion établie, ma foi est intériorisée, mon vécu spirituel est corporel, je pense que cela explique pourquoi je suis si interpellée par le mystère de l’incarnation, hors de toute appartenance. Je reconnais la qualité cinématographique du travail de Xavier Beauvois. Il n’a pas choisi d’évoquer la genèse de Tibhirine, c’est sa liberté, cependant j’invite à prendre du recul. Selon moi, cette option peut altérer l’exemplarité authentique de Tibhirine, en proposant un regard amputé de quelque chose d’essentiel. La salle m’applaudit. Je suis surprise par cette réaction. Qu’ont-ils donc entraperçu dans ce vécu personnel ? Peut-être ont-ils entraperçu que l’héritage de Tibhirine n’est ni la mort ni le sacrifice. Peut-être cherchent-ils comme moi la vérité d’un processus humain qui a pris sa source dans la rencontre entre deux hommes que tout opposait, il y a plus de cinquante ans.
Cette rencontre aura soufflé, sans bruit, sur le fameux « esprit de Tibhirine ». Pas à pas, je l’ai découvert, d’abord par quelques phrases elliptiques dans des livres sur Tibhirine, puis par le début de ce qui allait être mon enquête. J’ai vu qu’au cœur il y a deux amis : depuis trop longtemps un de ces visages reste dans l’ombre, ignoré ou à peine évoqué ici et là. Je ressens le besoin impérieux de retourner à la source, pour délivrer le sens de l’amitié entre ces êtres. Le sens au-delà de cette rencontre. Deux hommes différents qui vont convertir tous les obstacles-la guerre, la terre, la religion, la condition, la culture- et les métamorphoseront en fraternité. Un jeune chrétien de vingt-deux ans, aristocrate, cultivé, un musulman de quarante-sept ans, illettré, de condition modeste. Deux prénoms, Christian et Mohamed. Hasard ou annonce prophétique, chacun portait le nom de « son Prophète ». Christian de Chergé deviendra le prieur du monastère de Tibhirine, l’ami Mohamed, le garde-champêtre algérien, protégera Christian des assauts des moudjahidin, pendant la guerre d’indépendance. Il le payera de sa vie. Quelque temps avant sa mort, il prononcera cette phrase : « On me demande de choisir entre mon ami et mes frères. Ce n’est pas possible. »
Devenu moine trappiste en Algérie, il faudra plus de treize ans au père Christian pour révéler la force de transformation qu’il a reçue par le don suprême que lui fit l’ami Mohamed.
C’est pour ces hommes que je me suis mise en route, je veux les connaître, lire entre les lignes d’une amitié qui transcenda tout. J’ai un autre vœu, impérieux : mettre un visage sur l’ami Mohamed, le « sans visage ».

Pierre Adrian – « Des âmes simples » (extraits)

Editions Equateurs

Des âmes simples - Pierre Adrian - Rencontres buissonnières    Cette vallée, c’est l’autre bout de mon pays. Et donc déjà le bout du monde. L’étranger. Je l’ai découverte en plein juillet, cernée par ces cols que je venais grimper un à un sur mon vélo. Marie Blanque, Somport, Aubisque par la vallée d’Ossau. La Pierre Saint-Martin et son gouffre. Un terrain de jeux pour les amateurs de l’effort solitaire, du cœur qu’on emballe. La chaleur faisait suinter l’asphalte, le soleil gouttait dans les yeux. J’avais trouvé ce monastère en point de chute. Une chambre de pèlerin où je rangeais ma machine. Et les repas avec ce frère Pierre en bout de table, entouré par ses invités, les pèlerins justement, qui fourmillent l’été vers Saint-Jacques par la voie d’Arles. Je les voyais passer, tous ces gens. S’arrêter une nuit et reprendre leur route vers un autre gîte. Mais j’étais attiré par ceux qui restaient. Ceux pour qui la vallée n’est pas un passage, mais une île. Pierre, les hommes de la vallée, les familiers du monastère…Ces insulaires étaient à leur place dans un monde qui bouge(…)

    Derrière Pierre, je pressentais une foi complète, exclusive. « Une joie indicible » : ce sont là ses mots. Ainsi, l’été de mes vingt-quatre ans, je pénétrais vraiment la vallée pour la première fois. Et puis ceci : l’hiver de ses vingt-quatre ans, en 1967, Pierre s’installait dans la vallée et devenait son curé. Je devais comprendre ces ans et ce monde qui nous séparaient.

    Car Pierre a voué son âme à celle du monastère. Ces lieux n’existent que par lui. Il s’est donné, tout entier. Il ne calcule pas, Pierre. Il ne soupèse pas. Un cardinal, un sage, un sportif de haut niveau, je ne sais pas, un héros même…Il est rare que l’un d’eux vive dans l’engagement exclusif. D’ailleurs, Pierre n’a rien d’un héros, d’un quelconque surhomme. Non, il ne surpasse pas les qualités d’un homme. Seulement, il n’a rien gardé pour lui. Il n’a rien mis de côté. Et il montre aussi ses faiblesses. Pierre me confiera sa fatigue, les doutes qui peuvent sourdre d’une trop grosse ambition. Etre à la hauteur…Mais qui l’est vraiment, pour tirer un monastère de la noyade ? (…)
En quittant la vallée pour la première fois, cet été-là, je savais déjà que je reviendrais. J’écrirais. Ce qui repousse les caméras m’attire. Ceux qui trébuchent, ceux qu’on ne voit pas. J’aime le fond de la classe. Le saccage et le sursaut, la poudrière, le foutoir, la beauté, les rêveurs : tout est au fond, chez les invisibles. Au fond des vallées. Cette leçon, je l’apprendrai aux côtés de frère Pierre. En citant Saint Paul, il me dira que la véritable sagesse n’est pas celle du monde : « Si quelqu’un pense être sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour être sage. »(…)
Les caméras dispersent le bruit du monde…Elles n’aiment pas la lumière parce qu’elles ne la connaissent pas. Le monde veut ce qui brille, et la lumière vraie ne brille pas. Dans la vallée, du moins, on ne la voit pas. Il faut s’arrêter, prendre le temps de chercher. Mais ici, on ne fait que passer. Une vallée est un passage. On fait étape. On ne s’y arrête pas. Et pourtant…cette lumière.

Article de Jérôme Garcin sur « Des âmes simples » de Pierre Adrian

 (L’Obs 13/4/2017)

Des âmes simples - Pierre Adrian - Rencontres buissonnières    Voici, en cette période où l’actualité semble coloniser tous les esprits, un livre parfaitement inactuel. Il est écrit, par un auteur de 25 ans, dans une prose d’un autre temps(parfois trop chargée en adjectifs et en métaphores, mais doit-on vraiment s’en plaindre?), qui a le mérite de braver, à chaque page, la famélique novlangue numérique. D’ailleurs, il nous emmène sur les contreforts d’une vallée pyrénéenne où les réseaux passent mal, dans un monastère où la vie n’est pas rythmée par les flashs de BFMTV, mais par la liturgie des laudes, des vêpres et des complies. Dans ce livre d’altitude, sur des chemins escarpés, on croise des chevriers ridés, des paysans sans foi, des zonards sans but, des pèlerins en marche vers Compostelle et des Parisiens en rupture de ban qui aspirent, comme l’auteur, à comprendre comment un prêtre peut être, du matin au soir, si près des hommes et du ciel. Frère Pierre est un moine prémontré de 75 ans. Depuis un demi-siècle, il fait office de curé pour les dix-sept églises de la vallée d’Aspe, qui s’étire jusqu’au col du Somport. Pierre Adrian, le jeune auteur de La Piste Pasolini (prix des Deux-Magots 2015), a passé un hiver avec lui, dans son prieuré de Notre-Dame de Sarrance, où l’on prie la Vierge noire et se prépare à célébrer Noël. Il a accompagné, à pied et en voiture, lors de ses tournées quotidiennes, ce « guide de l’intérieur » animé par « une joie indicible », qui baptise, confesse, donne la communion, marie, enterre, console la famille d’un suicidé, visite la nuit les insomniaques en détresse ou calme les femmes jalouses du Dieu que leur mari aime, et qu’elles ignorent. Un guide qui connaît toutes les fissures de ce Béarn montagnard et toutes les douleurs de ces «âmes simples », le plus souvent désertées par la foi. Mais rien, ni son âge ni la rugosité minérale du pays, n’arrête frère Pierre dans sa mission sacerdotale. Il répète volontiers que « croire, c’est faire le passage de l’intellect à la réalité» et qu’il faut «éprouver pour aimer».
Après avoir si bien pérégriné sur les traces rouge sang de Pasolini, le cinéaste de l’Evangile selon Saint Matthieu, Pierre Adrian se glisse, avec une troublante dévotion, dans les pas de ce moine-abbé qui porte à bout de bras un peuple abîmé et parle en béarnais, même aux animaux. Son récit profane, élargi par des paysages d’une grandiose austérité, a des accents bernanosiens. De la part d’un écrivain et «paumé du nouveau siècle», qui regrette d’appartenir à «la génération Hanouna», ce livre a même des vertus rédemptrices. Il nous dédommage de notre époque.