Maurice Carême

Pour mon Papa

J’écris le mot agneau
Et tout devient frisé.
La feuille du bouleau,
La lumière des prés.
J’écris le mot étang
Et mes lèvres se mouillent ;
J’entends une grenouille
Rire au milieu des champs.
J’écris le mot forêt
Et le vent devient branche.
Un écureuil se penche
Et me parle en secret.
Mais si j’écris Papa,
Tout me devient caresse,
Et le monde me berce
En chantant dans ses bras.

Litanies des écoliers

Saint Anatole,
Que légers soient les jours d’école !
Saint Nicodème,
Donnez-nous la clé des problèmes.
Saint Siméon,
Allongez les récréations.
Sainte Clémence,
Que viennent vite les vacances !
Sainte Marie,
Faites qu’elles soient infinies !

L’écolière

Bon Dieu ! Que de choses à faire !
Enlève tes souliers crottés
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,
Revois tes règles de grammaire.
Ton problème est-il résolu ?
Et la carte de l’Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?
Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! Que de choses à faire !

maurice_caremeLiberté

Prenez du soleil
Dans le creux des mains,
Un peu de soleil
Et partez au loin !

Partez dans le vent,
Suivez votre rêve ;
Partez à l’instant
La jeunesse est brève !

Il est des chemins
Inconnus des hommes
Il est des chemins
Si aériens !

Ne regrettez pas
Ce que vous quittez.
Regardez, là-bas,
L’horizon briller.

Loin, toujours plus loin,
Partez en chantant !
Le monde appartient
A ceux qui n’ont rien.

Muguet

Cloches naïves du muguet,
Carillonnez ! car voici mai !

Sous une averse de lumière
Les arbres chantent au verger
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.

Carillonnez ! car voici mai,
Cloches naïves du muguet !

Les yeux brillants, l’âme légère,
Les fillettes s’en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.

Carillonnez ! car voici mai,
Cloches naïves du muguet !