Peintures

Partagées avec nous par Odette (Dijon)

Le chalet dans la montagne – Gustave Courbet
1819-1887. Ecole française. Vers 1874, Huile sur toile. 33 x 49 cm.
Arums, iris et mimosas – Henri Matisse
1913, huile sur toile – 145,5 x 97 cm – Musée Pouchkine – Moscou

La grossesse du samedi

Rencontres buissonnières - Citeaux

de Gabriel Ringlet

D’accord, la liturgie est très pédagogique. En trois jours tout est dit ! Le pain du Jeudi, la croix du Vendredi et le Dimanche, de grand matin, la pierre roulée devant le tombeau (Luc 24, 1-2). Mais le Samedi ? Rien. L’Évangile dit juste qu’après avoir préparé aromates et parfums, les femmes « observèrent le repos selon le commandement » (Luc 23, 56).

Et si le vide du Samedi était plus long et plus plein qu’on ne le dit parfois ? Un Samedi qui a duré des mois, des années peut-être… avant qu’un petit bout d’alléluia ne commence à germer sur les lèvres des premiers témoins.

Laminés par le drame du calvaire, les amis de Jésus se posaient une question brûlante qui touche au sens même de l’histoire : la haine va-t-elle vaincre l’amour ? Cette terrible interrogation, tellement d’aujourd’hui, il ne faut pas l’évacuer trop vite. Pendant des années, elle a dû torturer celles et ceux qui avaient tout quitté pour le suivre. Mais, petit à petit, dans le secret, d’abord, des célébrations domestiques, après un long travail de deuil, des paroles circulent, une espérance renaît, une foi se précise : ceux qui ont brûlé, qui ont partagé leur faim, multiplié leur soif, les doux, les écorchés, les éveillés, qui ont offert ne serait-ce qu’un verre d’eau, ceux-là, celles-là, sont appelés à un avenir en Dieu.

Ne faudrait-il pas honorer davantage ce si long Samedi ? Accueillir ce vide, célébrer cette absence ? Et permettre à tant de blessés de nos actualités quotidiennes de faire chemin d’attente ? S’il est dit au Livre des Actes qu' »Il a été délivré des douleurs de la mort » (2, 24), c’est bien des douleurs d’une femme en travail dont parle le texte, parce que la résurrection est une naissance.
Une bonne raison de donner temps et place à la grossesse du Samedi.

La fraternité du désert

Semaine Sainte 2020 – Info-lettre N° 2 – 1er avril 2020 

Bonjour à vous toutes et tous,

Confinement oblige, nous ne pouvons malheureusement pas nous retrouver en présentiel.

Rien ne nous empêche, cependant, de rejoindre les « confins » de vos cœurs.

C’est ce que nous nous proposons de faire chaque jour, sobrement, à partir de ce 1er avril en vous confiant aux bons soins d’un petit texte, d’une citation et d’un dessin de PAVE qui résonneront en vous de la manière que vous choisirez.

Heureux chemin.

Les équipes du Prieuré


Aujourd’hui, voici un texte de François Cassingena-Trévedy, moine à l’Abbaye de Ligugé et une citation d’Alexandre Dumas.

La fraternité du désert

En ce carême, nous sommes convoqués à la fraternité du désert, coude à coude, cœur à cœur, pas à pas, croyants et incroyants, au seul titre de notre humanité partagée.

Quelles seront selon vous les conséquences individuelles et collectives de ce confinement général?

Elles seront énormes. Nous vivons un basculement de civilisation. Ce qui nous arrive n’est pas un châtiment divin, mais un avertissement historique. Économiquement et humainement, cette crise sanitaire est un révélateur et un accélérateur. En l’espace de 15 jours, le paysage mondial s’est modifié de manière impressionnante. Nous espérons ressortir de tout cela plus humains, car nous sommes bel et bien dans l’urgence de retrouver l’essentiel. Envahis par la peur de la mort, nous prenons conscience de notre immense fragilité, alors que nous nous pensions surhumains, peut-être même déjà transhumains…

Nous allons devoir réviser nos priorités, dans le domaine de la santé, de l’écologie, de l’économie, de la culture, du religieux même ; nous allons devoir réduire la voilure, ou plutôt changer de voiles. La frugalité, dans tous les domaines, sera une des données majeures du monde à venir. Nous étions jusque-là des consommateurs de la vie : l’inouï de la vie fera notre émerveillement et appellera nos baisers encore pleins de larmes.

François Cassingena-Trévedy, moine à l’abbaye de Ligugé , artiste et poète.
(Hebdomadaire « La Vie » du 26 mars 2020).

*

Les gens que nous avons aimés, ne seront jamais où ils étaient, mais ils sont partout où nous sommes. (Alexandre Dumas)

L’espoir est un matin d’avril

Rencontres buissonnières - en prose

de Michel Bühler ( Paroles et musique)
1988

Michel Bühler est un chanteur suisse retraité que nous aimons beaucoup car il se bat avec ses chansons contre les injustices.

Partagé avec nous par Nicole et Jacques (Côte d’Or)

Pas possible d’imaginer un jour plus beau
Le printemps est né d’un chant d’oiseau
Du levant le soleil lance
Ses premiers rayons qui dansent
Sur les feuilles à peine défroissées
Il flotte un parfum d’enfance
De terre lourde d’herbe mouillée

Refrain
L’espoir est un matin d’avril
Une fleur fragile
Une source nouvelle
Une herbe rebelle

Pas possible d’imaginer un jour plus doux
Gouttes de rosée sur les toits roux
Cheminée et fumées minces
Par une porte qui grince
Passe une tête tout étonnée
C’est une journée de prince
Qui s’avance et qui nous est donnée

Refrain
L’espoir est un matin d’avril
Une fleur fragile
Une source nouvelle
Une herbe rebelle

Pas possible d’imaginer un jour plus grand
Un ciel plus léger et l’on entend
Maintenant des voix de filles
Dans les rues coule la vie
Chaude et forte comme un flot de sang
Là-bas quelques hommes rient
Le beau temps est là et pour longtemps 

Refrain
L’espoir est un matin d’avril
Une fleur fragile
Une source nouvelle
Une herbe rebelle

La persévérance sans défaillance, assimilée à un acte de foi (selon Eric Emmanuel-Schmitt)

Rencontres buissonnieres

Réflexion de Brigitte (Dijon) partagée avec nous

Dans Louise Amour, Christian BOBIN écrit que « toute une vie peut en une seconde et sur un minuscule détail, basculer dans la lumière ou dans les ténèbres ». En réponse à cela, Stan ROUGIER écrit dans Aimer et tu vivras, « Si ton regard est bienveillant, tout ton être sera dans la lumière ; si ton regard est mauvais, tout sera pour toi, ténèbres ».

Cette période de confinement difficile pour certains, anxiogène pour d’autres, n’est-elle pas le corollaire de notre société « d’avant » se voulant toujours plus rapide, toujours plus bruyante, occultant alors les bienfaits du silence et de la lenteur.

Le silence contraint, avec rues ou places dénuées de toute âme qui vive, nous permet de faire le calme en nous, d’entendre et d’écouter les silences du cœur, d’écouter notre musique intérieure, celle de notre âme. Ce silence contenu est créateur de lumière, celle qui permet d’accueillir l’autre avec ses richesses de cœur et d’esprit, ses forces mais également avec ses fragilités, ses faiblesses.

« Le silence de Marie, c’est le silence de l’écoute, de l’attente et de l’accueil » (La première en chemin, le mystère du 1er janvier de Roger BICHELBERGER).

Ce havre  de paix autour de soi et en soi, tel un recueillement, conduira presque inévitablement à une autre perception de l’autre, en lui reconnaissant des valeurs que nous n’avions pas, jusqu’alors, remarquées, car le toujours plus vite mettait le curseur sur des qualités superficielles de rentabilité, d’intérêt à tendre vers toujours plus de performance.

Se retrouver avec soi-même nous apprend aussi à réintroduire, dans notre vocabulaire, le mot « lenteur » que Pierre SANSOT, dans son ouvrage Bon usage de la lenteur, nous indique « qu’elle n’est pas l’incapacité d’adopter une cadence plus rapide, la lenteur est la volonté de ne pas brusquer le temps et surtout de ne pas se laisser brusquer par lui ». Il ajoute, « la lenteur est la tendresse, le respect, la grâce dont tous les hommes sont capables ».

Nous sortirons de ce temps de retraite certainement, avec en poche, non pas notre laisser-passer daté et motivé, mais un regard de bienveillance sur notre prochain, un regard d’indulgence, de reconnaissance. Les liens d’amitié se renforceront pour diffuser de l’énergie à la manière d’une transfusion sanguine.

La devise d’espoir qui aide à la patience est une réplique de cette phrase qu’écrivait Jean-Paul II dans son ouvrage Mémoire et identité :

« Toute souffrance humaine, toute douleur, toute infirmité renferme une promesse de joie, une promesse de salut ».

Il est d’étranges soirs

Rencontres buissonnières

d’Albert Samain (Au jardin de l’infante, Paris, Editions de l’Art, 1936 [1893])

partagé avec nous par Paul (Nancy)

Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d’un soupir
Le cœur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.

Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l’âme a des gaietés d’eaux vives dans les roches,
Où le cœur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l’esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.

Il est de mornes jours, où las de se connaître,
Le cœur, vieux de mille ans, s’assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint
Où s’agite un minable et vague cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.

Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Où l’âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l’infini terrible suspendue,
Sent le vent de l’abîme, et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l’ombre comme un mort.

Albert Samain

Le temps

d’Abdelatif Laâbi (L’automne promet)

Partagé avec nous par Dominique (Dijon)

 

Peut-il avoir une couleur ?

Jour vert ?

Heure jaune ?

Seconde noire ?

Questions de l’enfant

Avant qu’on ne lui apprenne

A dessiner.

 

Abdelatif Laâbi