La grossesse du samedi

Rencontres buissonnières - Citeaux

de Gabriel Ringlet

D’accord, la liturgie est très pédagogique. En trois jours tout est dit ! Le pain du Jeudi, la croix du Vendredi et le Dimanche, de grand matin, la pierre roulée devant le tombeau (Luc 24, 1-2). Mais le Samedi ? Rien. L’Évangile dit juste qu’après avoir préparé aromates et parfums, les femmes « observèrent le repos selon le commandement » (Luc 23, 56).

Et si le vide du Samedi était plus long et plus plein qu’on ne le dit parfois ? Un Samedi qui a duré des mois, des années peut-être… avant qu’un petit bout d’alléluia ne commence à germer sur les lèvres des premiers témoins.

Laminés par le drame du calvaire, les amis de Jésus se posaient une question brûlante qui touche au sens même de l’histoire : la haine va-t-elle vaincre l’amour ? Cette terrible interrogation, tellement d’aujourd’hui, il ne faut pas l’évacuer trop vite. Pendant des années, elle a dû torturer celles et ceux qui avaient tout quitté pour le suivre. Mais, petit à petit, dans le secret, d’abord, des célébrations domestiques, après un long travail de deuil, des paroles circulent, une espérance renaît, une foi se précise : ceux qui ont brûlé, qui ont partagé leur faim, multiplié leur soif, les doux, les écorchés, les éveillés, qui ont offert ne serait-ce qu’un verre d’eau, ceux-là, celles-là, sont appelés à un avenir en Dieu.

Ne faudrait-il pas honorer davantage ce si long Samedi ? Accueillir ce vide, célébrer cette absence ? Et permettre à tant de blessés de nos actualités quotidiennes de faire chemin d’attente ? S’il est dit au Livre des Actes qu' »Il a été délivré des douleurs de la mort » (2, 24), c’est bien des douleurs d’une femme en travail dont parle le texte, parce que la résurrection est une naissance.
Une bonne raison de donner temps et place à la grossesse du Samedi.