Jérôme Garcin

 Cette journée à l’abbaye de Cîteaux, que je n’oublierai pas, dont la douce ferveur continue de m’éclairer, aurait pu, aurait dû être terriblement mélancolique : tant de nos disparus y étaient convoqués, tant d’êtres chers rappelés à notre souvenir. Et pourtant – miracle de ce lieu cistercien, bienveillance des moines qui l’habitent et y prient –, ce fut un moment de bonheur, de joie et de paix : ensemble, on y accueillait ceux qui ne sont plus, j’ose même dire qu’on les fêtait.

  J’ai rappelé, ce jour-là, sous la Croix, que je croyais à la présence des morts. Je crois plus encore, depuis ce jour-là, sous la Croix, à la force qu’ils nous donnent et qu’ils nous demandent de transmettre. A Cîteaux, le passé communiait avec le présent, et l’ensoleillait. Jusque dans le chœur de son église.

  Je voudrais exprimer ici ma gratitude à toutes celles et tous ceux que j’y ai découverts ou retrouvés, et dont les regards, les confidences, sont déjà gravés dans ma mémoire ; à la manière si généreuse et inspirée avec laquelle Dom Olivier, le Père Abbé de Cîteaux, nous a ouvert les bras ; et surtout à Francine Ohet, la vigilante, la lumineuse Francine, si merveilleusement fidèle à ce que j’écris, sans qui jamais cette journée de partage, où soufflait l’esprit, n’aurait pu avoir lieu ni se dérouler si clairement, si harmonieusement, si musicalement, comme une cantate de Bach.

  Grâce à elle, je sais que je retournerai à Cîteaux.

Jérôme Garcin    

  

Didier Mény

Cîteaux, 25 novembre 2015,

Revenir à Cîteaux pour y passer une journée entière fut le premier sourire de ce samedi 25 novembre. Cîteaux est un lieu que j’avais fréquenté naguère, à une époque où la vie monacale et singulièrement celle des cisterciens me fascinait.

Matin gris et humide avant la douceur pâle d’un premier soleil. Matinée où les mots furent importants, ceux de Francine, ceux du Père Abbé, ceux de Jérôme Garcin bien sûr qui nous a si bien dit qu’une vie et qu’une œuvre se construisent aussi avec la pâte grise des malheurs, dans le creux que les absences laissent en nous.

Quant à moi, je n’ai pas d’autre espoir que d’avoir été peut-être utile.

Journée de rencontres, de tendresse dans les yeux ; de douceur autant que de tristesse même si parfois l’émotion laissait les joues humides. Journée où la violence de l’absence qui logeait au cœur de nos lectures ou de nos propos, trouvait en écho, une forme de douceur partagée.

Dans la voix et la musique d’Etienne – si belles ; dans la voix et le regard de Dom Olivier, dans les gestes amicaux des uns et des autres. Une douceur qui offrait au cœur ce que les caresses font à la peau : l’émoi d’un frisson.

Et puis, puisque nous étions dans l’église lorsque Myriam a lu – si bien – des passages de Tristan, je n’ai pu m’empêcher et Lydie avec moi d’y voir comme une courte et émouvante cérémonie en l’hommage de ce fils absent. Un bref et fort instant offert à sa mémoire. Et je l’ai vécu avec d’autant plus d’émotion, que nos deux fils nous avaient fait la surprise d’être là, assis au fond de la nef, petits frères de Tristan.