Odile

Témoignages - Rencontres buissonnièresVIVRE L’ABSENCE

Un sujet sensible pour ces Rencontres Buissonnières de novembre 2017 à Cîteaux, car il aborde sans voile la douleur immense de la perte d’un être aimé. Il nous fait plonger au cœur de la blessure, là où elle fait le plus mal, quand l’absence est définitive.

Il faut d’abord oser son cri. Ainsi, Didier Mény et Jérôme Garcin mettent en mots l’indicible de cette béance profonde qui saigne et semble inconsolable. Comment faire le deuil d’un unique enfant, d’un frère jumeau, d’un papa parti bien trop tôt ? Il faut du temps, il faut des mots, il faut aussi du silence.

A leur écoute, chacun reçoit au cœur l’expression de cette souffrance si vive encore. L’émotion est palpable. A leur écoute, chacun revisite peut-être en secret les blessures de sa propre existence.

Peu à peu, tout doucement, dans les témoignages des signes d’espérance s’esquissent, et la vie, malgré tout, reprend le dessus. Une adoption, un pas, une ouverture, la vie continue, porteuse de joies nouvelles.

Les lectures de l’après-midi étaient dans l’émotion et la vérité nue des maux mis en mots. La participation musicale d’Etienne, qui a joué et chanté avec beaucoup de délicatesse et de talent, a donné une grande beauté à ce moment. J’ai été heureuse d’y participer en « sœurs lorraines » avec Francine par la lecture de Jeanne. Quelle émotion pour moi!  

L’intervention finale du Père Abbé qui a remis le Christ au cœur du sujet, a redonné du souffle et de l’espérance, en nous reliant à l’Essentiel. L’absence peut aussi ouvrir à une  Présence. L’hymne de la schola fut, elle aussi, bienvenue en nous tournant vers la lumière en conclusion de la journée.

Merci à tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette journée et tout particulièrement à Francine qui l’a initiée.

Amicalement,

Odile

Introduction à la vie priante

(Dom Olivier Quenardel, Entretiens avec Véronique Dufief, L’échelle de Jacob, 2011)

Dom Quenardel - Rencontres buissonnièresLes Robinson Crusoé n’existent pas en christianisme. Même les ermites, si retirés soient-ils, font corps avec toute l’humanité (…)

Notre prière monastique, greffée sur celle de l’Eglise, est foncièrement ouverte aux joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent. Il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans notre cœur.

Les grandes causes du monde d’aujourd’hui sont régulièrement exprimées dans une « prière universelle ». A l’entrée de notre église, les gens peuvent nous confier des intentions de prière qui sont reprises, chaque jour, à l’office des Vêpres. Il est impressionnant de voir que la majeure partie de ces intentions porte sur des drames familiaux. C’est le cancer le plus grave de notre société occidentale. Nous n’y échappons pas, car ceux qui entrent au monastère aujourd’hui viennent de cette société-là. Ensemble, nous en portons les plaies. Mais surtout, je voudrais dire que, sans aller jusqu’au bout du monde, nous trouvons la souffrance à l’intérieur même de notre communauté.

Abbaye de Cîteaux - Rencontres buissonnièresOn parle du « paradis du cloître » et on a raison, à condition de bien voir que ce paradis dépend de la manière dont chacun se fait le bon samaritain de ses frères. J’en ai déjà parlé et je le redis : un moine en souffrance doit pouvoir compter sur ses frères. On pourrait presque dire que saint Benoît construit la communauté cénobitique sur le réconfort mutuel de ses membres. Il est très exigeant par exemple sur le soin que nous devons apporter aux frères malades ou infirmes. A Cîteaux, nous en avons plusieurs. L’un d’eux, suite à une opération, a été hospitalisé pendant quatre mois. Nous nous sommes relayés pour aller le voir tous les jours. La souffrance, nous la côtoyons aussi de très près à l’hôtellerie du monastère.

Que de personnes viennent passer ici quelques jours pour se retrouver elles-mêmes, confier leurs épreuves et reprendre courage ! Il nous arrive aussi de recevoir des gens qui n’ont plus où reposer la tête, des étrangers menacés d’exclusion ou de se retrouver du jour au lendemain à la rue, des hommes et des femmes au bord de la désespérance. Presque toujours, ils repartent rassérénés. Notre premier prochain en souffrance, c’est ce frère qui est là, tout proche, comme un mystère douloureux, à l’intérieur même de la communauté. Nous avons le devoir de porter les fardeaux les uns des autres. C’est ainsi que nous accomplissons la loi du Christ.