Didier Mény – Le Caravage

Extraits de « Tristan »

Didier Mény - Rencontres buissonnières(p. 33)

Marie savait. La Marie de Le Caravage savait. Son bras enveloppe le corps de l’enfant, sa main est posée sur la fesse et la hanche et sa joue sur la joue. Marie regarde le monde derrière le miroir de nos yeux. Le regard qui nous fixe voit plus loin que l’instant de la douceur de l’étreinte. Il voit la Passion, le chemin monte vers la colline et le sang et les clous et le bois. Dans les yeux de Marie, l’histoire est écrite. Il ne manque que les larmes. Et Joseph. Et la protection de ses bras autour de la mère et l’enfant. Mais la tête baissée qui masque le regard. Mais Joseph dans l’ombre. Résigné déjà ?

Dieu, pourquoi les as-tu abandonnés ?

(p. 105 – 106)

Où étais-tu Joseph quand il a été arrêté ? Nul ne parle de toi. Où étais-tu Joseph quand ils l’ont enchaîné, frappé, insulté. Où étais-tu ce jour de crachats et d’épines au front et de paumes clouées, Joseph ? Quand on déchira sa tunique.

Et il criait pour appeler un père qui n’était pas toi lui qui croyait si fort à d’autres mondes. Où étais-tu quand il eut peur et mal. Si mal, si peur. Et son corps gisant l’as-tu pris dans tes bras ? Où sont-elles les statues où tu regardes en pleurant son corps sur tes genoux, sa tête renversée, ses yeux clos ? Dans quelles nefs d’église ? Père de douleur, à toi aussi il a pris le fils. Mais tu étais mort.