Introduction à la vie priante

(Dom Olivier Quenardel, Entretiens avec Véronique Dufief, L’échelle de Jacob, 2011)

Dom Quenardel - Rencontres buissonnièresLes Robinson Crusoé n’existent pas en christianisme. Même les ermites, si retirés soient-ils, font corps avec toute l’humanité (…)

Notre prière monastique, greffée sur celle de l’Eglise, est foncièrement ouverte aux joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent. Il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans notre cœur.

Les grandes causes du monde d’aujourd’hui sont régulièrement exprimées dans une « prière universelle ». A l’entrée de notre église, les gens peuvent nous confier des intentions de prière qui sont reprises, chaque jour, à l’office des Vêpres. Il est impressionnant de voir que la majeure partie de ces intentions porte sur des drames familiaux. C’est le cancer le plus grave de notre société occidentale. Nous n’y échappons pas, car ceux qui entrent au monastère aujourd’hui viennent de cette société-là. Ensemble, nous en portons les plaies. Mais surtout, je voudrais dire que, sans aller jusqu’au bout du monde, nous trouvons la souffrance à l’intérieur même de notre communauté.

Abbaye de Cîteaux - Rencontres buissonnièresOn parle du « paradis du cloître » et on a raison, à condition de bien voir que ce paradis dépend de la manière dont chacun se fait le bon samaritain de ses frères. J’en ai déjà parlé et je le redis : un moine en souffrance doit pouvoir compter sur ses frères. On pourrait presque dire que saint Benoît construit la communauté cénobitique sur le réconfort mutuel de ses membres. Il est très exigeant par exemple sur le soin que nous devons apporter aux frères malades ou infirmes. A Cîteaux, nous en avons plusieurs. L’un d’eux, suite à une opération, a été hospitalisé pendant quatre mois. Nous nous sommes relayés pour aller le voir tous les jours. La souffrance, nous la côtoyons aussi de très près à l’hôtellerie du monastère.

Que de personnes viennent passer ici quelques jours pour se retrouver elles-mêmes, confier leurs épreuves et reprendre courage ! Il nous arrive aussi de recevoir des gens qui n’ont plus où reposer la tête, des étrangers menacés d’exclusion ou de se retrouver du jour au lendemain à la rue, des hommes et des femmes au bord de la désespérance. Presque toujours, ils repartent rassérénés. Notre premier prochain en souffrance, c’est ce frère qui est là, tout proche, comme un mystère douloureux, à l’intérieur même de la communauté. Nous avons le devoir de porter les fardeaux les uns des autres. C’est ainsi que nous accomplissons la loi du Christ.

Ingrid Sautreau

aquarelle Anne le Maitre - Rencontres buissonnièresCe samedi 21 mai 2016, loin des tumultes, des bruits et du stress de la vie quotidienne, au détour d’un virage, dans le magnifique cadre de l’Abbaye de Cîteaux, j’ai tenté d’arrêter le temps, pour un instant, pour une journée. Je me suis assise, j’ai fait silence et j’ai été à la rencontre de la « Beauté ».

J’ai découvert qu’elle se déclinait  au passé, au présent et au futur.

Au passé :

–  à l’image de Gertrude d’Helfta, Hildegarde de Bingen et Maurice Zundel qui ont consacré toutes leurs vies, à travers leurs cœurs, leurs corps et leurs esprits,  à la recherche de ce « chemin vers la beauté » avec une gratitude et une dévotion à Dieu sans précédent.

Au présent :

– dans le regard d’Anne Le Maître qui bénit la nature qui l’entoure et qui loue la naissance de la moindre petite fleur éclose sous l’œil de son créateur.

– à travers la confiance bienveillante d’Anne-Marie Sallé qui fait jaillir des entrailles des détenus du centre de détention de Clairvaux la beauté de l’écriture et de la reconnaissance, ne serait-ce qu’artistique.

Au futur :

– à travers les poèmes, ivres de liberté des détenus Hadi, Dumé, Denis et François, qui n’aspirent qu’à transformer leurs vies pour construire, demain, leurs propres « chemins vers la beauté » !

– à travers l’innocence et la brillance dans les yeux des enfants qui découvrent la « beauté » simple, naturelle, sans artifices et qui s’émerveillent de sa grâce et de sa majesté.

Je retiens de cette journée deux expressions : gratitude et action de grâce ! Cela m’aide tous les jours, humblement,  à faire de ma vie « un chemin vers l’autre » dans le brouillard comme dans les éclaircies…

Ingrid Sautreau

Samedi 21 mai – « Chemins vers la beauté » – Interventions

Lieu : Abbaye de Cîteaux – Grande salle de l’hôtellerie
Tarif : 5€ / Entrée gratuite pour les adhérents

10h­ – 12h30 ­ : Interventions

  • Dom Quenardel : Gertrude d’Helfta
  • Catherine Siemons : Hildegarde de Bingen
  • Catherine Marchal : Maurice Zundel
  • Anne Le Maître : Evocation de sa peinture et de ses livres. Lecture à plusieurs voix d’extraits de ses textes.

Notre invitée

Anne Le Maître dont les écrits, les aquarelles et le blog Bleudeprusse ont nimbés de poésie.
Découvrez son site : Bleu de Prusse

Petite halte buissonnière en ce temps de l’Avent

       Dans son numéro de septembre 2015, François-Xavier Maigre, le jeune rédacteur en chef du magazine Panorama, avait évoqué son lectorat avec  une expression qui m’avait touchée, car elle correspond à l’esprit qui m’anime dans mes projets à Cîteaux : « une famille qui cherche un chemin d’intériorité au cœur du monde, pour approcher discrètement de l’essentiel ».

       Cette impression de famille un peu particulière, composée de croyants, de non croyants et de personnes qui cherchent à trouver un sens au mystère de la vie, je l’ai ressentie à Cîteaux samedi 28 novembre, lors de la venue de Gabriel Ringlet et d’Isabelle Vajra. Gabriel, en évoquant le matin les moines-poètes de façon simple, concrète et poétique, les a fait vivre auprès de l’assemblée d’une centaine de personnes, certaines venues de Belgique, du Luxembourg, du Finistère, de l’Ain, de Villefranche-sur-Saône, de Flavigny-sur-Ozerain.

Isabelle et Gabriel 28 novembre 2015       L’après-midi, grâce à la confiance du Père abbé Dom Quenardel qui a mis à notre disposition l’église,-quel privilège-, celle-ci a accueilli le récit-récital intitulé Barbara et Jésus : un dialogue inattendu. Harmonie entre les paroles de Gabriel et la musique d’Isabelle, tous deux remplis d’admiration pour la personnalité et le talent artistique de Barbara. Afin de  respecter ce lieu sacré, pas d’applaudissements, sauf à la fin, après Perlimpinpin, chantée de façon extrêmement émouvante par Isabelle, en écho à Nathalie Dessay qui l’avait interprétée la veille dans la cour des Invalides en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre à Paris. A Cîteaux, attention extrême, recueillement et assemblée debout pour remercier chaleureusement Isabelle et Gabriel.

       assistance église de Cîteaux 28 novembre 2015A la sortie de l’église, Frère Raphaël, qui avait veillé à mettre en pratique l’hospitalité monastique, a remarqué certains yeux rougis. Après l’actualité noire de ces dernières semaines, c’est comme si nous pouvions alléger un peu notre fardeau. Parce que nous étions ensemble et que nous n’avions même pas besoin de parler pour nous comprendre et partager.

       Comme Noël approche, vous cherchez peut-être des idées de cadeaux qui ne soient pas trop futiles. Permettez-moi de vous conseiller la lecture du livre de Georges Lauris qui s’intitule Itinéraire d’un enfant terrible, de Cocteau à Cîteaux. L’auteur y relate l’histoire tourmentée de Jean Bourgoint, moine de Cîteaux du 23 décembre 1947 au 9 août 1964. Celui-ci appelait Cîteaux « l’auberge de la meilleure part ». Pour décrire son arrivée l’avant-veille de Noël, il a recours à l’expression « Comme si j’entrais dans un pays natal ». Il y est question aussi des oiseaux qui étaient devenus ses amis et de l’étoile du matin.

       Détail d’ordre pratique : cela m’étonnerait que vous trouviez ce livre en librairie, commandez-le plutôt sur Internet ou empruntez-le à la bibliothèque diocésaine si vous avez envie de le lire.

       Et puis, en rapport avec Noël, Marie(Som), la vice-présidente qui nous a créé un si joli site et moi-même vous proposons de lire le très beau texte d’un grand ami de Barbara, Jacques Brel, un mécréant qui, comme elle, avait  un sens profond du sacré, ainsi que le poème de Pierre Menanteau intitulé Nativité. Nous vous offrons aussi via Internet deux autres courts extraits de Gabriel, ainsi que des poèmes écrits par les Frères bénédictins Jean-Yves Quellec et Gilles Baudry.

        En regardant l’étoile scintillante que nous aurons installée en haut de notre sapin, peut-être penserons-nous secrètement aussi, comme quand nous étions enfants, au rayon de l’étoile, plus mystérieuse, qui nimbe le bœuf et l’ânon.

       Merci d’être venus nombreux à Cîteaux le 28 novembre et d’avoir compris l’importance de vigiler. Avant la date du 25 décembre, grâce à vous, à Gabriel, à Isabelle, à nos hôtes de Cîteaux et aux membres du bureau de Rencontres buissonnières, j’ai déjà reçu une partie de mes cadeaux de Noël.

            Belles fêtes en famille, bien à vous…et au printemps prochain, du moins j’espère !

                                                           Francine Ohet, présidente de Rencontres buissonnières