Mont Saint-Michel

Rencontres buissonnières
Vue du Mont Saint-Michel prise par Ghislaine (Manche)

Extrait de Sur les chemins noirs

de Sylvain Tesson

La Sée marqua un angle, le Mont-Saint-Michel jaillit au-dessus des herbes. Le stupa magique était là. Et des nuées de passereaux explosant dans l’air salé jetaient leurs confettis pour le mariage de la pagode avec la lagune.
C’était le mont des quatre éléments. A l’eau, à l’air et à la terre s’ajoutait le feu de ceux qui avaient la foi(…)

Ah ! Si Péguy avait été de l’Avranchin au lieu que de la Beauce !
Je passai la Sée et allai vers Genêts dans un état de nerfs que je n’avais pas vécu depuis des années. « L’âme me montait à la peau », comme disait Théophile Gautier quand il éprouvait autre chose que la chair de poule (…)
L’inconvénient de suivre le littoral entre Avranches et Genêts était d’avoir le Mont-Saint-Michel dans le dos. Il fallait se retourner sans cesse pour se nourrir de sa présence. La marche devenait compliquée, à saluer la haute borne tous les cent pas. A chaque coup d’oeil par-dessus l’épaule, l’esprit se rassurait : le monde tournait, les oiseaux pêchaient, le Mont demeurait, flottant, au-dessus de la lagune dont les écheveaux vaporeux brouillaient tout contour.
Ces vérifications finissaient par me donner un torticolis.