Didier Mény – Manèges et tympans

Extrait de « Tristan » (p.42 – 43)

Didier Mény - Tristan - Rencontres buissonnièresAu tympan des églises souvent un Christ en gloire sépare le ciel figé des élus hiératiques de l’enfer où la souffrance et la peur animent les damnés. Je sais désormais que l’enfer est un regard sans paupières fixé sur la vie des morts. Un petit garçon marche autour du manège arrêté. Il n’a pas de ticket, il monte dans une nacelle qu’un volant fait tourner sur elle-même. Et le manège s’ébranle et l’enfant sans ticket tourne deux fois, apeuré d’abord puis confiant. Il tourne sur lui-même et dans l’arche heureuse du petit théâtre rotatif, où il n’y a ni saints ni diables. Dans le monde d’à côté, sur le pavé de la place, sur la terre qui tourne aussi, des mères sourient, les yeux pleins de lumière. Savent-elles que parfois, entraînées par des forces ignorées, leurs enfants, élus ou damnés, quitteront le manège qui se meut pour les tympans de pierre ?

Didier Mény - Tristan - Recontres buissonnières