Dom Quenardel, Père abbé de Cîteaux

Une terre de silence où l’homme tient parole

Dom Quenardel Abbaye de Cîteaux rencontres buissonnieresToi qui entres dans ces lieux,
rappelle­-toi qu’ils furent pendant des siècles
une terre de silence où l’homme tient parole.

Pour toi qui les franchis,
c’est encore leur destinée aujourd’hui.

Si tu veux entendre leur message,
comprendre leur histoire,
découvrir leur secret mystérieux,
cesse ton bavardage et ne sois pas pressé.

Ces bois, ces pierres,
ces murs et cette terre,
ces hommes ici présents
t’invitent à cheminer
au meilleur de toi­-même.

As­-tu jamais pris ce chemin
où le monde entier apparaît dans sa fraîcheur première
neuf et pur
comme l’eau au sortir de sa source?

As­-tu jamais pensé que cette source jaillit
au plus intime de toi­-même,
inépuisable, joyeuse et fraternelle?

Depuis neuf siècles,
Cîteaux et toute la famille cistercienne
n’existent que pour mieux en permettre l’accès.

En parcourant ces lieux,
écoute de tout ton être
Celui qui t’a trouvé avant que tu le cherches:
l’Amour qui coule en toi,
infini et toujours nouveau.

Dom Quenardel, Père abbé de Cîteaux

Claude Roy

Claude Roy - Rencontres buissonnièresL’enfant qui a la tête en l’air

Si on se détourne, il s’envole.
Il faudrait une main de fer
Pour le retenir à l’école.
L’enfant qui a la tête en l’air
Ne le quittez jamais des yeux :
Car dès qu’il n’a plus rien à faire
Il caracole dans les cieux.
Il donne beaucoup de soucis
A ses parents et à ses maîtres :
On le croit là, il est ici,
N’apparaît que pour disparaître.
Comme on a des presse-papiers
Il nous faudrait un presse – enfant
Pour retenir par les deux pieds
L’enfant si léger que volant.

L’enfant qui battait la campagne

Vous me copierez deux cents fois le verbe :
Je n’écoute pas. Je bats la campagne.

Je bats la campagne, tu bats la campagne,
Il bat la campagne à coups de bâton.

La campagne ? Pourquoi la battre ?
Elle n’a jamais rien fait.

C’est ma seule amie, la campagne.
Je baye aux corneilles, je cours la campagne.

Il ne faut jamais battre la campagne :
On pourrait casser un nid et ses œufs.

On pourrait briser un iris, une herbe,
On pourrait fêler le cristal de l’eau.

Je n’écouterai pas la leçon.
Je ne battrai pas la campagne.

L’excès des petits noms d’amitié

« Mon petit chat
mon gros minet,
Mon doux mouton, mon chatounet »
Disait la mère à son bébé
Dans l’excès des diminutifs.
Il ne faut pas trop s’étonner :
Enfant d’un amour excessif
Le petit se mit à miauler
Et la maman à ronronner.

Maurice Carême

Pour mon Papa

J’écris le mot agneau
Et tout devient frisé.
La feuille du bouleau,
La lumière des prés.
J’écris le mot étang
Et mes lèvres se mouillent ;
J’entends une grenouille
Rire au milieu des champs.
J’écris le mot forêt
Et le vent devient branche.
Un écureuil se penche
Et me parle en secret.
Mais si j’écris Papa,
Tout me devient caresse,
Et le monde me berce
En chantant dans ses bras.

Litanies des écoliers

Saint Anatole,
Que légers soient les jours d’école !
Saint Nicodème,
Donnez-nous la clé des problèmes.
Saint Siméon,
Allongez les récréations.
Sainte Clémence,
Que viennent vite les vacances !
Sainte Marie,
Faites qu’elles soient infinies !

L’écolière

Bon Dieu ! Que de choses à faire !
Enlève tes souliers crottés
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,
Revois tes règles de grammaire.
Ton problème est-il résolu ?
Et la carte de l’Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?
Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! Que de choses à faire !

maurice_caremeLiberté

Prenez du soleil
Dans le creux des mains,
Un peu de soleil
Et partez au loin !

Partez dans le vent,
Suivez votre rêve ;
Partez à l’instant
La jeunesse est brève !

Il est des chemins
Inconnus des hommes
Il est des chemins
Si aériens !

Ne regrettez pas
Ce que vous quittez.
Regardez, là-bas,
L’horizon briller.

Loin, toujours plus loin,
Partez en chantant !
Le monde appartient
A ceux qui n’ont rien.

Muguet

Cloches naïves du muguet,
Carillonnez ! car voici mai !

Sous une averse de lumière
Les arbres chantent au verger
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.

Carillonnez ! car voici mai,
Cloches naïves du muguet !

Les yeux brillants, l’âme légère,
Les fillettes s’en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.

Carillonnez ! car voici mai,
Cloches naïves du muguet !

 

Victor Hugo

L’enfant, voyant l’aïeule

Victor Hugo - Rencontres buissonnièresL’enfant, voyant l’aïeule à filer occupée,
Veut faire une quenouille à sa grande poupée.

L’aïeule s’assoupit un peu : c’est le moment.
L’enfant vient par derrière et tire doucement

Un brin de la quenouille où le fuseau tournoie,
Puis s’enfuit triomphante, emportant avec joie

La belle laine d’or que le safran jaunit,
Autant qu’en pourrait prendre un oiseau pour son nid.