Poèmes de Marie-José Hadifé

(Sable émouvant)

Partagé avec nous par Annie (Saône-et-Loire)

Rencontres buissonnières - au delà des profondeurs de bleus

Au delà des profondeurs de bleus,
où se dénouent peu à peu les noeuds
dans un inévitable face à face,
le sel remonte vers la surface
et se dépose en cristaux de joie
qui envahissent l’espace
quand le sens de la vie reprend sa place

        Surface de sel
        espace de celle, de celui qui a confiance
        en la face cachée, souterraine, souveraine
        de sa nature humaine,
        en l’autre côté

au delà des profondeurs de bleus.


Rencontres buissonnières

Drôles de vie, ou vies de drôle
comme des pantins on joue des rôles
jusqu’à l’instant où tout s’écroule
on croit alors perdre la boule
et c’est pourtant à ce moment
qu’on est gagnant dans l’inconscient

            profondément enfin vivant.

Et l’aventure alors commence
toute cette malchance devient la chance.

            Qu’à la survie succède la vie

Passager de nos propres galères
voguant vers un inconnu sans frontières
citoyen de nouveaux territoires sans fin,
on cesse d’accuser le destin,

            moins homme, plus humain.

Psaume pour les soignants

Partagé avec nous par Mireille (Dijon)

Prière réalisée par la Mission Ouvrière du diocèse de Lille

Seigneur,

Merci d’avoir semé dans le cœur de certains
Le don, le talent et la force de prendre soin.
Ce désir étonnant de remettre debout
Ceux que la maladie avait mis à genoux.

De celui qui nettoie à celle qui opère,
De celle qui rassure à celui qui transfère.
Tu as placé dans le cœur des soignants
Un trésor plus précieux que l’or et l’argent.

Mon Dieu, bénis ceux qui jour après jour
Affrontent la souffrance avec tant de bravoure.
Maudis les puissants qui depuis des années
Sur l’autel de l’argent les ont tous sacrifiés.

Donne à nos soignants la force de tenir
Contre cette épidémie dont nous craignons le pire.
Donne à chacun de nous d’agir avec raison
Pour ne pas rendre impossible leur mission.

Que cette épreuve soit une prise de conscience,
Que leurs cris d’hier étaient plein de bon sens.
Aujourd’hui, chacun d’eux est pour nous un exemple.
Demain, nous chasserons les marchands du temple.

Poèmes

Rencontres buissonnieres

d’Andrée Chedid (Au coeur du coeur)

Poèmes choisis et préfacés par Matthieu Chedid et Pierre Siméon (Librio Poésie)

Partagés avec nous par Jacques Bonnadier (Marseille)

Pour survivre

Tu auras pour survivre
Des collines de tendresse
Les barques d’un ailleurs
Le delta de l’amour

Tu auras pour survivre
Le soleil d’une paume
Le tirant d’une parole
L’eau du jour à jour

Tu dresseras pour survivre
Des brasiers, des terrasses
Tu nommeras la feuille
Qui anime le rocher

Tu chanteras les hommes
Transpercés du même souffle
Qui accomplissent leur songe
Face à l’éclat mortel !


L’espérance

J’ai ancré l’espérance
Aux racines de la vie
               *
Face aux ténèbres
J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits
               *
Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
               *
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
               *
J’enracine l’espérance
Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.

Il est d’étranges soirs

Rencontres buissonnières

d’Albert Samain (Au jardin de l’infante, Paris, Editions de l’Art, 1936 [1893])

partagé avec nous par Paul (Nancy)

Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d’un soupir
Le cœur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.

Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l’âme a des gaietés d’eaux vives dans les roches,
Où le cœur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l’esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.

Il est de mornes jours, où las de se connaître,
Le cœur, vieux de mille ans, s’assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint
Où s’agite un minable et vague cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.

Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Où l’âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l’infini terrible suspendue,
Sent le vent de l’abîme, et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l’ombre comme un mort.

Albert Samain

Le temps

d’Abdelatif Laâbi (L’automne promet)

Partagé avec nous par Dominique (Dijon)

 

Peut-il avoir une couleur ?

Jour vert ?

Heure jaune ?

Seconde noire ?

Questions de l’enfant

Avant qu’on ne lui apprenne

A dessiner.

 

Abdelatif Laâbi

Il était un jour sage

Rencontres buissonnieres

Poème de Catherine (Côte d’Or) partagé avec nous

Association Les Chouettes du Coeur

Il était un jour sage

Il était une association
Il y avait un joli plumage
Il y avait une action.
Une chouette, un rendez vous
Un atelier, le  cœur  s’ouvre
Il y a vous….

 

Nos mains se sont rejointes
Pour mener à bien notre projet
Servir d’abord et plus encore
Tels des sportifs au grand cœur
Ensemble nous avons arpenté le monde fragilisé
Son regard, ses mains se sont liées aux nôtres
Belles ou frêles, décharnées ou livides
Peu importe, si le cœur y est ,les mains seront habiles.
 
En ces  temps bien moroses
Où notre santé est en cause
Mirabelle, Prunelle, Airelle et le petit hibou
Accompagnés de  tous leurs fidèles amis
Si tristes de votre absence, ils l’avouent
Vous envoient leur amitié, leur reconnaissance aussi.

Il est  un monde de maux.

Il est un monde de mots
Que sera le monde ?

Le monde du  regard soutenu
Le monde de la main tendue
De l’oreille partagée
Des maux oubliés.

Parce qu’avec vous
Parce qu’avec soi
Un rien  peut  beaucoup
Et le lien est un roi
Il y a …le partage

Nous ne voulons pas être trop tristes, ni trop désespérés
Nous tenions à vous chanter notre  amitié
Nos plumes seront toujours là pour tutoyer le merveilleux
Et dans l’attente de vous revoir, vous envoient ,de bonne santé, leurs vœux.

Catherine

Jean-Marc Natel

Rencontres buissonnières
partagé avec nous par Hélène Nougaro (Paris)

Quelques éclats de lune argentent mon regard
Une vague d’azur s’envole avec l’aurore
Il fait si beau que rien n’est laid
La mer renait toujours à chaque fin de vague
L’aurore refleurit avec mes souvenirs
Le jour ensanglanté se meurt sur l’horizon
Des étincelles d’éternité dansent dans l’infini
Dans la pénombre mauve une lueur d’aurore
Dans l’illumination marine du matin
Le premier pas du jour sur la mer immobile
Dans le galop des vagues cravachées de soleil
La mer comme une mère au sourire d’azur
Des couleurs fleurissant en étoiles filantes.
Le jour est revenu pour éclaircir mes songes
Dans la gloire du soleil levant
Sur les traces de la lumière renaissante
L’évidence éclatante de l’azur triomphant
Dans  l’immensité d’un bleuissement céleste
Dans la brume neigeuse du petit jour
Et l’océan du ciel déferle dans la mer
Des ailes de lueur m’élèvent vers le ciel
La mer s’envole enfin vers d’autres horizons.

Jean-Marc Natel

Un espoir virulent

de Carl Norac en tant que Poète national belge

partagé avec nous par Colette Nys-Mazure
Les Mot doux - Carl Norac - Rencontres buissonnières

Une des missions du Poète National est d’écrire, durant son mandat, douze poèmes liés à l’actualité ou l’histoire de notre pays. En cette période de crise sanitaire, il a pris à bras le corps ce sujet qui nous touche tous : le coronavirus. Traité avec douceur, caractère et une pointe d’humour, Carl Norac nous offre ainsi quelques mots de poésie qui apaisent les angoisses de ces jours difficiles…


Un espoir virulent

J’ai attrapé la poésie.
Je crois que j’ai serré la main
à une phrase qui s’éloignait déjà
ou à une inconnue qui avait une étoile dans la poche.
J’ai dû embrasser les lèvres d’un hasard
qui ne s’était jamais retourné vers moi.
J’ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.

Voilà un moment que ce clair symptôme de jeter
les instants devant soi était devenu une chanson.
Ne plus être confiné dans un langage étudié,
s’emparer du mot libre, exister, résister
et prendre garde à ceux qui parlent d’un pays mort
alors que ce pays aujourd’hui nous regarde.

À présent, on m’interroge, c’était écrit :
« Votre langue maternelle ? »  Le souffle.
« Votre permis de séjour ? »  La parole.
« Vous avez chopé ça où ? »  Derrière votre miroir.
« C’est quoi alors votre dessein, étranger ? »
Que les mots soient au monde,
même quand le monde se tait.

J’ai attrapé la poésie.
Avec, sous les doigts, une légère fièvre,
je crève d’envie de vous la refiler,
comme ça, du bout des lèvres.

Moment de grâce

de Christine Gogeon

partagé avec nous par Isabelle Vajra
Rencontres buissonnières

« Lorsque Francine Ohet m’a proposé de participer à la « propagation poétique » pour les Amis de Cîteaux et les amis des mots plus largement,  le premier poème qui m’est venu à l’esprit est celui d’une amie, Christine Gogeon, que j’avais eu la chance d’écouter lire ce poème dans un cercle de paroles théâtral il y a quelques années. Ce poème s’intitule « Moment de grâce ».
J’ai ensuite pensé au poète, compositeur et interprète, Julos Beaucarne, si connu et aimé, admiré en Belgique qu’il suffit de prononcer son prénom pour savoir qu’il s’agit de lui.J’ai ainsi choisi le poème « Femmes et hommes » de Julos, mis en forme graphique et esthétique par André et Jeannine Castermane, mes amis belges et accompagné de la version enregistrée par Julos lui-même.
 » Isabelle Vajra


Moment de grâce

Moment fugace, moment de grâce,
Instant impromptu, parmi cette cohue,
Concentration assurée, bien que bousculée,
Notes qui s’envolent, dans des mélopées folles.

Mais que faites donc vous là,
Dans ce croisement cra-cra ?
Les gens ne vous voient pas
Et beaucoup ne vous écoutent pas !

Emmurés dans leur pensées,
Pressés d’y arriver,
Sans prendre le temps de respirer
Comme en apnée.

Mais que sont-ils devenus
Ces êtres qui se ruent
Pour prendre leur métro
Sans entendre votre tempo ?

Dans ce monde qui va si vite
Ils ont oublié une chose.
Pour ne pas mourir trop vite,
Il faut savoir faire une pause.

La musique reprend et les notes s’envolent.
Certains passants s’arrêtent… la magie opère.
Ma tête se vide et mes pensées errent.
J’ai envie de valser… mais quelle idée folle !

Mon corps est toujours là,
Ma tête… eh bien, je ne sais pas !
Je dois y aller mais à grand regret !
Petit moment de grâce que j’ai apprécié.